Tabitha’s Place : d’anciens adeptes portent plainte
Source: Le Parisien
24 novembre 2006
Jean-Marc Ducos
Une famille de cinq enfants, qui a vécu cinq ans dans la communauté Tabitha’s Place, a déposé plainte pour « abus de faiblesse ». Ils ont vécu un véritable calvaire avant de s’enfuir. Ils affirment avoir été spoliés d’une partie de leurs biens.
UNE VIE FRACASSÉE. Des enfants victimes d’un important retard scolaire
mais aussi battus. La maison familiale vendue. Les comptes bancaires captés. Des prêts jamais remboursés. Des humiliations et punitions régulières pour avoir transgressé les règles. C’est le bilan de cinq ans de vie, entre 1999 et 2004, au sein de la secte Tabitha’s Place au centre des investigations d’une commission d’enquête parlementaire.
Depuis deux ans la justice de Pau examine la plainte pour escroquerie et abus de faiblesse d’un couple d’artisans réfugié en Bretagne à l’encontre de la secte évangélique Tabitha’s Place, une congrégation installée dans un manoir à Sus (Pyrénées-Atlantiques) qui dit suivre la « loi d’Abraham ». Le dossier de cette famille a été signalé aussi à la mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires. L’envers du décor n’a rien d’un conte de fées biblique.
« Nous étions exhortés plusieurs fois par jour
à vendre nos biens pour respecter la parole biblique », écrit le couple dans une lettre déchirante.
Fin des années 1990, Loïc*, un artisan bottier, a le désir de changer de vie. Lui et son épouse se laissent séduire par la secte dite de l’Ordre apostolique, ou Tabitha’s Place, et sa présentation de vie communautaire joyeuse sur fond d’agriculture biologique. Ils passeront cinq ans dans cet univers avant de déchanter.
Le couple, avant d’entrer dans la secte, a placé sur un compte le produit de la vente de sa maison pour environ 200 000 . Chaque jour, un responsable de la communauté vient leur demander en les culpabilisant de mettre la main à la poche soit pour «acheter une voiture » soit « pour acquérir un fonds de commerce à Paris » où la secte envisage
d’établir un magasin. L’affaire est d’abord présentée sous forme de prêts consentis à cette église biblique. Le couple n’a jamais récupéré le moindre argent. Puis c’est le carnet de chèques et la carte bancaire qui sont confisqués.
La vie communautaire impose aussi que le courrier reçu à la secte soit lu par d’autres. L’insistance pour convaincre les adeptes de se plier à cette règle est progressive mais intense. L’ancien artisan avait un registre de commerce lorsqu’il était en activité. La secte utilisera ce numéro pour monter un atelier de fabrication de sandales tandis que l’artisan continuera à payer les cotisations sociales à l’Urssaf. L’ancien bottier occupe son temps à s’occuper du potager, du poulailler et à faire la vaisselle sans oublier la préparation du compost. Il n’a jamais touché de salaire.
Le déclic qui a conduit ces personnes à quitter la communauté viendra d’un incident. Pour assister à une fête de famille, leur départ doit être autorisé par la secte. Ils l’obtiennent après accord du conseil tribal qui régit la vie communautaire. Mais ils passent plus de temps que prévu « à l’extérieur » dans « le monde corrompu ». A leur retour, ils sont considérés comme impurs par les autres adeptes. Tous les matins à l’aube « pendant deux mois », ils sont questionnés, homme et femme séparément. Les
enfants, eux, sont molestés avec une « baguette d’osier » puis avec des antennes de voiture.
Encore des pressions…Le couple s’enfuit une nuit de l’été 2004. « Il leur a fallu bien du courage mais
aujourd’hui encore leur vie est difficile. On ne se remet pas en un tournemain de cinq années dans une secte », constate Annick Le Héritte, la présidente de l’Association de l’union des associations de défense des familles et de l’individu en Bretagne.
Le père vit désormais du RMI et tente de retrouver une formation. Les enfants du couple souffrent, selon l’Association de défense des familles victimes des sectes, d’un « important retard scolaire » et suivent des cours de rattrapage intensifs. Ils sont aussi depuis deux ans pris en charge par une psychologue.
Mais la secte n’a pas dit son dernier mot et a retrouvé ces personnes. Ils ont dû déménager pour échapper à leurs pressions.
Selon le témoignage de la mère de famille, de nombreux enfants de la secte sont aussi régulièrement transférés d’un site à l’autre. Elle a signalé qu’une famille d’origine allemande avait quitté précipitamment le manoir de Sus après le décès d’un enfant.
Un décès non déclaré. Mercredi, Olivier Lambert, un responsable de la secte, a démenti toutes les accusations « d’enfants cachés » à l’état civil. Et pour caution, un maire adjoint du village de Sus était présent.
* Le prénom a été changé.
mais aussi battus. La maison familiale vendue. Les comptes bancaires captés. Des prêts jamais remboursés. Des humiliations et punitions régulières pour avoir transgressé les règles. C’est le bilan de cinq ans de vie, entre 1999 et 2004, au sein de la secte Tabitha’s Place au centre des investigations d’une commission d’enquête parlementaire.
Depuis deux ans la justice de Pau examine la plainte pour escroquerie et abus de faiblesse d’un couple d’artisans réfugié en Bretagne à l’encontre de la secte évangélique Tabitha’s Place, une congrégation installée dans un manoir à Sus (Pyrénées-Atlantiques) qui dit suivre la « loi d’Abraham ». Le dossier de cette famille a été signalé aussi à la mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires. L’envers du décor n’a rien d’un conte de fées biblique.
« Nous étions exhortés plusieurs fois par jour
à vendre nos biens pour respecter la parole biblique », écrit le couple dans une lettre déchirante.
Fin des années 1990, Loïc*, un artisan bottier, a le désir de changer de vie. Lui et son épouse se laissent séduire par la secte dite de l’Ordre apostolique, ou Tabitha’s Place, et sa présentation de vie communautaire joyeuse sur fond d’agriculture biologique. Ils passeront cinq ans dans cet univers avant de déchanter.
Le couple, avant d’entrer dans la secte, a placé sur un compte le produit de la vente de sa maison pour environ 200 000 . Chaque jour, un responsable de la communauté vient leur demander en les culpabilisant de mettre la main à la poche soit pour «acheter une voiture » soit « pour acquérir un fonds de commerce à Paris » où la secte envisage
d’établir un magasin. L’affaire est d’abord présentée sous forme de prêts consentis à cette église biblique. Le couple n’a jamais récupéré le moindre argent. Puis c’est le carnet de chèques et la carte bancaire qui sont confisqués.
La vie communautaire impose aussi que le courrier reçu à la secte soit lu par d’autres. L’insistance pour convaincre les adeptes de se plier à cette règle est progressive mais intense. L’ancien artisan avait un registre de commerce lorsqu’il était en activité. La secte utilisera ce numéro pour monter un atelier de fabrication de sandales tandis que l’artisan continuera à payer les cotisations sociales à l’Urssaf. L’ancien bottier occupe son temps à s’occuper du potager, du poulailler et à faire la vaisselle sans oublier la préparation du compost. Il n’a jamais touché de salaire.
Le déclic qui a conduit ces personnes à quitter la communauté viendra d’un incident. Pour assister à une fête de famille, leur départ doit être autorisé par la secte. Ils l’obtiennent après accord du conseil tribal qui régit la vie communautaire. Mais ils passent plus de temps que prévu « à l’extérieur » dans « le monde corrompu ». A leur retour, ils sont considérés comme impurs par les autres adeptes. Tous les matins à l’aube « pendant deux mois », ils sont questionnés, homme et femme séparément. Les
enfants, eux, sont molestés avec une « baguette d’osier » puis avec des antennes de voiture.
Encore des pressions…Le couple s’enfuit une nuit de l’été 2004. « Il leur a fallu bien du courage mais
aujourd’hui encore leur vie est difficile. On ne se remet pas en un tournemain de cinq années dans une secte », constate Annick Le Héritte, la présidente de l’Association de l’union des associations de défense des familles et de l’individu en Bretagne.
Le père vit désormais du RMI et tente de retrouver une formation. Les enfants du couple souffrent, selon l’Association de défense des familles victimes des sectes, d’un « important retard scolaire » et suivent des cours de rattrapage intensifs. Ils sont aussi depuis deux ans pris en charge par une psychologue.
Mais la secte n’a pas dit son dernier mot et a retrouvé ces personnes. Ils ont dû déménager pour échapper à leurs pressions.
Selon le témoignage de la mère de famille, de nombreux enfants de la secte sont aussi régulièrement transférés d’un site à l’autre. Elle a signalé qu’une famille d’origine allemande avait quitté précipitamment le manoir de Sus après le décès d’un enfant.
Un décès non déclaré. Mercredi, Olivier Lambert, un responsable de la secte, a démenti toutes les accusations « d’enfants cachés » à l’état civil. Et pour caution, un maire adjoint du village de Sus était présent.
* Le prénom a été changé.