Béarn : une secte apocalyptique soupçonnée de maltraitance infantile

Source: 24 Matins – Bearn, une secte…

Par Amélie Crosnier, publié le 17 juin 2015 à 6h30

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Château de Navarrenx, Sus, Pyrénnées-Atlantique. Domicile de la secte Tabitah’s Place. Vue de Google Street View

Mardi, 10 responsables de la secte “Tabitah’s Place” ont été mis en garde à vue suite à des soupçons de mauvais traitements sur des enfants.

Dans la petite commune de Sus (Pyrénées-Atlantiques), une étrange communauté est installée dans le château de Navarrenx depuis 1983. Cette secte, qui compte environ 120 personnes dont une cinquantaine d’enfants, est depuis plusieurs années dans le collimateur de la justice. Mardi, 10 de ses membres ont été mis en examen près de Pau suite à des soupçons de mauvais traitements sur des enfants “qui ne connaissent rien au monde extérieur“.

Des soupçons de violences sur des enfants

Les membres de la secte “Tabitah’s Place” installés depuis une trentaine d’années dans le petit village de Sus, vivent en quasi autarcie et appliquent de façon extrêmement stricte les préceptes de la Bible. “Les hommes portent des chignons, les femmes de longues robes et des cheveux longs. Un peu comme les Amish“, explique Georges Fenech ancien président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Cette communauté est considérée, depuis un rapport de 1995 de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes, comme une secte apocalyptique. Les membres de cette communauté repliée sur elle-même croient donc que la fin du monde approche.

La secte “Tabitha’s Place” est depuis plus d’un an sous le coup d’une information judiciaire après les révélations troublantes d’un ancien membre de la communauté. Les enquêteurs se sont donc interrogés sur les conditions de vie de la cinquantaine d’enfants qui habitent le château. Les informations de Georges Fenech, qui a eu la possibilité de rentrer dans cette communauté en 2006, inquiètent aussi fortement les enquêteurs. “Les mineurs, qui ne sont pas scolarisés, ne connaissent rien au monde extérieur. Ils n’ont pas de développement libre, et sont sujets à des troubles de la personnalité“, explique Georges Fenech. Celui-ci a également indiqué à la justice que les enfants de la secte présentent des “défauts de soins” et que les “punitions physiques sont réglementées et graduées” avec des coups de règles ou de baguettes d’osier sur différentes parties du corps.

La secte justifie ces violences en évoquant un verset de la Bible : “La folie est liée au cœur des enfants ; le bâton qui les châtie les en éloignera.”. Les enfants vivent, selon la Miviludes, dans des conditions extrêmes, levés dès l’aube, pas le droit de jouer, obligation de travailler, etc. Les enquêteurs vont donc se charger de déterminer dans quelles conditions vivent les enfants de cette secte.

Depuis longtemps dans le collimateur de la justice

Dans la nuit de lundi à mardi, c’est une vaste opération de gendarmerie qui a été lancée avec plus de 200 gendarmes mobilisés mais également la présence de médecins-légistes et de l’Institut de recherche criminelle. Au même moment, une deuxième opération a été menée vers Perpignan où des membres de la secte travaillent. A l’issue de cette opération, 10 personnes responsables de la communauté ont été mises en garde à vue. Les mineurs qui étaient présents sur le domaine ont été auditionnés et examinés par des médecins. Plusieurs enfants ont été placés auprès des services sociaux suite à la découverte de “traces récentes de corrections physiques” sur leur corps.

En plus des accusations pour sévices corporels sur des mineurs, les membres de la secte “Tabitah’s Place”, qui vendent des fruits et des légumes à Sus, sont soupçonnés de fraudes aux prestations sociales, de travail dissimulé et de blanchiment de fraude fiscale.

Cette secte a déjà été condamnée a plusieurs reprises par la justice comme en 1997, après la mort d’un enfant de 19 mois qui avait été privé de soins et de nourriture. Les parents de cet enfant avaient été condamnés en 2001 à 12 ans de prison et 10 ans de privation de droits civiques et familiaux. En mars 2002, ce sont 19 membres de la secte qui ont été condamnés pour “soustraction aux obligations légales des parents” en ce qui concernait la scolarisation et la vaccination des enfants.