Opération de gendarmerie contre la secte Tabitha’s Place

Source: Le Monde 17 juin 2015

Le Monde.fr avec AFP | 17.06.2015 à 09h50 • Mis à jour le 17.06.2015 à 11h18

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Dix personnes ont été placées en garde à vue mardi soir après une importante opération de gendarmerie menée à Sus, dans les Pyrénées-Atlantiques, dans les locaux de la communauté sectaire Tabitha’s Place.

« Les activités de cette communauté font l’objet d’une information judiciaire que j’ai ouverte en mars 2014 à la suite d’informations données par un ancien adepte », a expliqué le procureur Jean-Christophe Muller lors d’une conférence de presse. L’enquête « concerne des faits d’abus de vulnérabilité dans le cadre d’un mouvement à caractère sectaire, des faits de violences sur mineurs concernant les conditions d’éducation, et des faits de travail dissimulé » et de travail des enfants, a-t-il résumé.

C’est « à l’issue de vérifications longues et minutieuses », notamment sur les ramifications de la secte en Espagne et en Allemagne, qu’une vaste opération de gendarmerie a été lancée dans la nuit contre le château appartenant à Tabitha’s Place, considérée comme une secte par la commission parlementaire d’enquête sur les sectes. La communauté est aussi connue sous le nom d’« Ordre apostolique », « Douze tribus » ou « Ruben and Brothers ». Elle fait partie du mouvement fondamentaliste américain Communauté du royaume du Nord-Est des frères de Plymouth, dont les membres affirment suivre strictement la Bible. Le mouvement compte 12 implantations dans le monde – en référence aux 12 tribus d’Israël – dont une en France, à Sus, dont on ignore le nombre de membres.

L’opération a mobilisé quelque 200 gendarmes, un hélicoptère, l’Institut de recherche criminelle et des médecins légistes. Une opération similaire a été menée parallèlement dans le secteur de Perpignan, où des membres de la secte travaillent également. Dix personnes, « hommes et femmes responsables de la communauté », étaient en garde à vue mardi soir, neuf à Pau et une à Perpignan, a indiqué M. Muller.

Quatre enfants placés

Les mineurs présents dans la communauté ont été auditionnés et examinés par des médecins. Quatre d’entre eux, frères et sœurs d’une même famille âgés de 18 mois à 13 ans, ont été placés auprès des services sociaux du Conseil général après la découverte de « traces récentes de corrections physiques », qui font partie du « mode d’éducation » dans cette communauté, a souligné le procureur de Pau.

Selon la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), « les punitions physiques sont réglementées et graduées » au sein de la secte, avec des coups de baguette d’osier ou de règle sur différentes parties du corps. Pour justifier ces violences, les adeptes invoquent un verset de la Bible : « La folie est liée au cœur des enfants ; le bâton qui les châtie les en éloignera. »

L’information judiciaire ouverte pour « soustraction par un parent à l’obligation légale envers ses enfants » doit permettre de savoir dans quelles conditions les « centaines de mineurs » qui transitent dans les locaux de la secte « vivent, sont éduqués et participent à l’activité économique », a affirmé Jean-Christophe Muller.

La Miviludes souligne que « les enfants sont levés à 6 heures du matin et reçoivent un enseignement toute la matinée. L’après-midi, ils travaillent avec leurs parents. Ils n’ont pas le droit de jouer, les jouets étant l’œuvre du diable ».

Plusieurs condamnations

Les membres de Tabitha’s Place, qui exploitent à Sus des terres agricoles et vendent des fruits et des légumes, sont également soupçonnés de travail dissimulé, de fraude aux prestations sociales, de blanchiment de fraude fiscale.

En mars 2002, 19 membres de Tabitha’s Place avaient été condamnés par la cour d’appel de Pau pour « soustraction aux obligations légales des parents », notamment refus de scolarisation et de vaccination de leurs enfants. En 1997, un enfant de 19 mois y était mort faute d’alimentation et de soins. Ses parents ont été condamnés, en 2001, à douze ans de réclusion criminelle.

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