Peine deux fois plus lourde en appel pour la mort d’un enfant
AFP 25 octobre 2001 par Philippe Alfroy
TARBES – La cour d’assises des Hautes-Pyrénées a reconnu un couple membre d’une secte coupable d’avoir laissé mourir son bébé et l’a condamné à 12 ans de réclusion criminelle alors qu’en première instance la cour d’assises des Pyrénées-atlantiques l’avait condamné à 6 ans.
Après quatre heures de délibéré, la cour a reconnu Michel et Dagmar Ginhoux coupables de “privation d’aliments et de soins ayant entraîné la mort” en 1997 de leur enfant de 19 mois. Les jurés de Tarbes ont également condamné les époux Ginhoux à dix ans de privation de leurs droits civiques, civils et familiaux. Tête baissée, Michel Ginhoux, 40 ans, et son épouse Dagmar, 39 ans, ont écouté le verdict sans broncher. Sonné par sa sévérité, l’un de leurs avocats, Me Pierre Pecastaing, a indiqué qu’il formerait, sans trop d’espoir, un pourvoi en cassation, “comme on jette une bouteille à la mer”.
Le verdict, sévère par rapport à celui des assises de première instance, est néanmoins resté en deçà des 15 années de réclusion requises par l’avocat général François Basset. Pendant plus d’une heure, M. Basset avait dénoncé l’aveuglement criminel des parents qui, sachant leur enfant atteint d’une grave malformation cardiaque, ont délibérément refusé de le confier à un médecin, malgré les mises en garde et “son état gravissime, épouvantable”. “Vous avez volontairement mis en place le scénario qui a abouti à la mort de votre enfant, vous saviez l’état de santé de Raphaël mais vous n’avez pas bougé”, a fustigé le magistrat à l’adresse des deux accusés. -
“Mourir par conviction” - “En refusant la médecine, vous avez répondu à ses souffrances par le respect de vos convictions”, a encore lancé François Basset, qui a dénié à Michel et Dagmar Ginhoux, tous deux membres de l’ordre apostolique Tabitha’s Place, une secte née aux Etats-Unis, toute atténuation de leur responsabilité. “Les principes absurdes au nom desquels vous avez laissé mourir Raphaël existaient avant votre entrée dans la communauté”, a estimé M. Basset.
L’avocat général, qui avait demandé contre eux douze à quinze ans de réclusion lors du premier procès à Pau, a également pris bien soin de préciser à Tarbes qu’il demandait cette fois “la partie haute” de ses précédentes réquisitions car il refusait d’admettre “que Raphaël soit mort parce que ses parents l’ont laissé mourir par conviction”.
Au nom de la défense, Me Pecastaing a reconnu, contrairement au premier procès où un de ses confrères avait plaidé leur acquittement, la culpabilité des époux Ginhoux. Mais il a écarté toute intention criminelle de leur part. “Les époux Ginhoux sont responsables, coupables et ils doivent être punis”, a-t-il admis, “mais tous ceux qui ont témoigné, la famille, les amis et les experts ont considéré qu’ils (…) n’avaient pas voulu la mort de leur enfant”. “Ils ont été victimes d’un égarement mystique”, a martelé l’avocat.
Sur le même ton, Me Françoise Selles a plaidé l’imprudence et la négligence du couple Ginhoux. “Jamais ils n’ont pensé que ce qu’ils faisaient allait causer la mort de leur enfant”, a estimé l’avocate. “Ce qui a prédominé dans leur obstination, c’est cet espoir immense, cette foi que Dieu allait sauver leur enfant”, a conclu Me Selles.
Invitée par la présidente Françoise Pons à prononcer une dernière parole pour sa défense, Dagmar a simplement répondu: “Je remets ma vie entre les mains de Dieu. Je n’ai rien à ajouter”.