La force d’une mère la soumission du père-25 octobre 2001

La dépêche 25 octobre 2001 par Michel Fagois

 

[Texte intégral]

 

TARBES : Troisième journée du procès des époux Ginhoux, accusés d’avoir privé leur fils de soins ayant entraîné sa mort. Le verdict sera rendu aujourd’hui “Madame Ginhoux, seriez- vous prête à quitter la communauté pour voir vos enfants? – Je mets ma vie entre les mains de Dieu. Je ne peux pas prendre une décision comme ça. “Cette question posée par l’avocat général à Dagmar Ginhoux sera, sans conteste, celle qu’il faudra retenir de cette troisième journée d’audience.

 

Les volets clos du château de la communauté de Sus, en Béarn, sont aujourd’hui entrebaillés pour laisser passer un filet d’informations. Trois jours de procès ont été nécessaires pour cela. Entre dit et non-dit, supposition et affirmation, croyance et non-croyance, jeux d’influences ou de convictions: le chapitre 3 du procès des époux Ginhoux, accusés d’avoir volontairement privé d’aliments et de soins leur bébé Raphaël, a gardé toute son intensité dramatique.

 

Lundi, le décor était planté et les faits exposés. Mardi, l’un des accusés, le mari, devait faire face à l’extrême colère de sa maman, à la fois accusatrice et compatissante. Il s’ensuivait l’arrivée de deux responsables de la communauté appelés à témoigner. Ils étaient présentés à la barre, menottes aux poignets. A ce stade des débats, il manquait encore de nombreuses clefs. Certes, les portes de la communauté, assimilée à une secte, ont été ouvertes, mais une meilleure connaissance de la personnalité des époux Ginhoux s’imposait car le milieu sectaire dans lequel ils vivaient ne peut, à lui seul, expliquer si la mort du petit Raphaël résulte d’un acte volontaire. Chez les Ginhoux, la force est du côté de Dagmar, la mère; la soumission du côté de Michel, le père. Les experts ont bien dépeint ces rôles, malgré le fait que Dagmar ait tenté d’expliquer que celui d’une femme, dans le couple, est d’être soumise pour se sentir bien et avoir une bonne conscience.

 

PAS PRETE A QUITTER LA SECTE – Tout deux semblent avoir eu une vie sur deux périodes: ce qu’il y avait avant l’arrivée dans la communauté et ce qu’il y a eu après. On peut dire que tout deux ont eu des enfances relativement banales. Néanmoins, Dagmar a souffert des rapports entre ses parents et s’est attachée fortement à l’une de ses grands- mères, à la conviction catholique. Pour elle, c’est déjà un conflit puisque ses parents sont protestants. Très tôt, Dagmar a montré un penchant pour les médecines alternatives. Elle passe son bac. A 17 ans, elle doit avorter. Plus tard, elle part en France et mène une vie de bohème. Pour Michel, l’enfance est un peu plus tourmentée. Ses parents sont témoins de Jéhovah. Son père n’hésite pas à le corriger. On le dit espiègle, un peu turbulent et faisant preuve d’humour. Lors du premier procès, il affirme avoir été sodomisé par un groupe de garçons. Par rejet du système il décide de ne pas passer son bac.

 

Michel et Dagmar se rencontrent en 1984. Deux ans plus tard, ils se marient sans que les parents ne soient au courant. Nathanaël, leur premier enfant, naît à cette période. En 1989, ils s’installent en Allemagne. Le couple vit de façon très simple et Dagmar lit beaucoup la Bible. Ils s’achètent une petite maison. Le deuxième enfant, Anaïs, naît en 1992. En 1994, Michel est victime d’un accident du travail. Le couple se lance alors dans une activité commerciale de vente de vêtements naturels. Le 29 avril 1995, naît Raphaël. C’est à cette époque qu’ils font la connaissance de membres de la secte. Ces derniers sont de plus en plus présents. Lorsque le couple décide de partir à Sus, ce sont eux qui vont reprendre la maison en continuant de payer les échéances de l’emprunt.

 

Le 3 avril 1997, Raphaël décède. Le père de Dagmar est venu expliquer que le couple ne fonctionnait pas très bien au moment du départ en France. La vie en communauté semblait, surtout pour Dagmar, une bonne alternative. C’est d’ailleurs Dagmar qui montre le plus de croyance. La première partie de sa vie lui pèse. Elle a besoin de s’en purifier. Dans la communauté, elle trouve la structure protectrice. Quant à Michel, dans le groupe, la soumission lui convient très bien. A ce jour, Dagmar n’est pas vraiment prête à quitter la secte pour revoir ses enfants. Sur ce point, sa réponse n’est pas claire. Il en est de même pour son mari, qui avoue encore que son coeur est dans la communauté. Par contre, il affirme qu’il irait n’importe où pour voir sa progéniture. Le verdict de cette affaire sera rendu aujourd’hui.