Drame à «Tabitha’s Place»
Monsieur Gérard Toussaint, Président de l’ADFI de Pau, décédé début Août 1997, a été une précieuse source d’information sur place, en particulier pour les familles de nombreux adeptes allemands qui s’y trouvaient.
La communauté de Tabitha’s Place implantée à Sus-Navarrenx dans lesPyrénées-Atlantiques, est aussi connue sous le nom de l’Ordre Apostolique. Elle fait partie d’une secte « fondamentaliste-apocalyptique » américaine (Communauté du Royaume du Nord-Est dans le Vermont). Cette communauté inquiétait certes un peu les voisins, davantage l’ADFI de Pau – et certaines familles des adeptes, dont beaucoup venaient d’Allemagne.
La communauté, d’au moins deux cents personnes, dont une bonne moitié d’enfants, vivait isolée du monde, pratiquant l’agriculture biologique et l’artisanat (boulangerie, menuiserie). Quelques dirigeants sortaient pour vendre les produits sur les marchés.
Théoriquement, la présence de nombreux enfants aurait dû donner lieu à des contrôles réguliers, aussi bien de l’inspection académique que des services d’hygiène et de protection de l’enfance. Les enfants n’allaient pas à l’école, mais étaient instruits sur place. C’est d’ailleurs pour cette raison que des familles avaient quitté l’Allemagne, où l’école est obligatoire. Les visites de l’inspecteur, une fois l’an en principe, étaient annoncées à l’avance; bien accueilli, il voyait ce qu’on lui montrait : outre la Bible, les enfants apprenaient à lire, écrire et compter. N’étant pas scolarisés, ils ne bénéficiaient ni des vaccinations ni des visites médicales obligatoires. Les autorités ne semblent pas très strictes pour faire appliquer la loi.
Les chefs de la secte déclaraient vivre sainement et n’avoir nul besoin de médecine. Interprétant la Bible à la lettre comme dans d’autres sectes du même genre, il ne fallait pas lésiner sur l’emploi de la baguette pour maintenir les enfants dans le droit chemin : condition de leur salut et de celui de leurs parents.
Comme il était malheureusement à prévoir, un jour la catastrophe est arrivée : le 4 avril 1997, Raphaël, 19 mois, est mort, sans soins. Atteint d’une malformation cardiaque congénitale (qui s’opère très bien), il était de plus rachitique (il pesait 4,5 kilos) et souffrait de rhino-pharyngite et de bronchite. Privé de soins médicaux, il semble avoir végété dans son coin, jusqu’à sa mort. Son père français et sa mère allemande ont été mis en examen et écroués pour « privation de soins par ascendant responsable ayant entraîné la mort d’un mineur de moins de 15 ans ». Les deux aînés ont été confiés à l’une de leurs grands-mères. Les autres membres adultes de la secte ont été mis en examen pour non-assistance à mineur en danger.
Comment prévenir ce genre de drame ?
En 1996, 30 gendarmes avaient visité les domaines sans rien relever d’anormal, semble-t-il. Il est vrai que les adeptes avaient été prévenus. Mais d’une façon générale, en pays démocratique, on répugne à des contrôles poussés, tant qu’on n’a pas connaissance de faits graves.
Et la liberté de religion ? La religion ne peut pas être une excuse absolutoire quand elle met des vies en danger, et surtout celle d’enfants sans défense et sans liberté de choix. Le droit français, en tout cas, n’admet pas cette excuse.