Mort d’un bébé : les convictions des parents devant les assises

Source: AFP, 23 octobre 2001 par Philippe Alfroy

[Texte intégral]

TARBES, 22 oct (AFP) – La cour d’assises des Hautes-Pyrénées a tenté lundi de comprendre comment Michel et Dagmar Ginhoux, un couple membre d’une secte jugé jusqu’à jeudi en appel, avaient pu laisser mourir le dernier de leurs trois enfants, Raphaël, âgé d’à peine 19 mois.

En mars, la cour d’assises de Pau avait condamné en première instance à six ans d’emprisonnement le couple Ginhoux, reconnu coupable de privation d’aliments et de soins ayant entraîné la mort de leur fils, en 1997 dans une ferme de la communauté Tabitha’s Place, une secte née aux Etats-Unis, à Angous (Pyrénées-Atlantiques).

Six mois après ce premier procès, les convictions des époux Ginhoux n’ont pas changé : ils ont tout fait pour aider leur fils.

Droite dans sa robe beige, les cheveux rassemblés en un épais chignon, Dagmar, 39 ans, s’exprime la première. “Ce que je voudrais dire, c’est que j’ai aimé mon bébé, je lui ai donné toute mon affection”, lance-t-elle avec un fort accent allemand. “Je n’ai jamais pensé lui faire de mal”. Et pendant plus d’une heure, elle explique à la cour qu’elle savait que son enfant souffrait d’un problème cardiaque et qu’elle avait bien remarqué qu’il ne grandissait pas normalement. Mais jamais elle ne s’est rendue compte de la gravité de son état. “Il avait le sourire, il était gai, je ne me suis pas doutée que c’était grave”, dit-elle. La présidente Françoise Pons insiste et lui fait remarquer que le poids de Raphaël ne cessait de diminuer, qu’elle aurait pu le faire examiner par un médecin. “On ne savait pas qu’il était malade à ce point”, rétorque l’accusée : “j’avais l’espoir que Dieu guérisse mon enfant”. “Foi mystique”

Le discours est le même chez son mari Michel. Le visage mangé par une épaisse barbe noire, il parle d’une petite voix fluette, le mouchoir à la main. “Cet enfant, je l’ai aimé et je l’aime encore. Je n’ai jamais pensé qu’il pouvait mourir”, assure-t-il. “On n’était pas contre un examen mais on en a pas saisi la nécessité”, plaide l’accusé : “je ne suis pas médecin”. La présidente Pons lui rappelle alors qu’il a admis, pendant l’instruction, avoir été “aveuglé par (sa) foi qui était devenue mystique”. “La communauté ne nous a pas empêchés d’aller voir un médecin, répond Michel Ginhoux, mais je crois que Dieu peut guérir des enfants”.

Irrité par les explications du couple, l’avocat général François Basset s’impatiente. “Vous nous dites en même temps que n’étiez pas médecin mais que vous ne jugiez pas indispensable un examen. Ca n’est pas un peu contradictoire?”, s’interroge le magistrat. “Je ne comprends pas la question“, se contente de répondre Michel Ginhoux.

Le docteur Dominique Madine s’avance alors à la barre. C’est lui qui s’est déplacé pour constater le décès du petit Raphaël et a refusé de délivrer le permis d’inhumer. Face à la présidente, il décrit “l’extrême maigreur”, “l’état lamentable” du bambin. “C’est peu de dire que c’était un enfant décharné”, lâche-t-il. “Même un non professionnel pouvait déceler que cet enfant était en danger de mort”. La présidente Pons se tourne alors vers les accusés. “Qu’est ce que vous avez à répondre au docteur Madine?”. “Rien”, répond Dagmar Ginhoux, “je n’ai pas vu dans quel état il était”. “Je n’ai pas vu le même enfant que le docteur”, ose son mari. Suite des débats mardi.
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Commentaire : C’est à la lecture de tels articles que l’on peut se rendre compte des dégâts causés par la manipulation des adeptes d’une secte.
Mathieu Cossu.