Dans le Sud-Ouest une secte suspectee de violences sur mineurs

Source: Le Figaro- Dans le Sud-Ouest une secte suspectee de violences sur mineurs

Par Clémentine Maligorne

    • Mis à jour 
    • Publié 
Novembre 2006, le manoir de Navarrenx, à Sus (Pyrénées-Atlantiques), où vivent les adeptes de «Tabitha's Place».

 

VIDÉOS – Dix responsables de la communauté «Tabitha’s Place» étaient en garde à vue mardi soir près de Pau (Pyrénées-Atlantiques) dans le château où vivent les membres de cette secte. Les enquêteurs soupçonnent des mauvais traitements sur des enfants «qui ne connaissent rien au monde extérieur».

À Sus, petite commune des Pyrénées-Atlantiques, vit une étrange communauté. Depuis plus de trente ans, dans ce village de quelques 400 âmes, plusieurs familles – 120 personnes, dont une cinquantaine d’enfants – vivent dans le manoir de Navarrenx en quasi autarcie. «Ils appliquent les préceptes de la Bible à la lettre», décrit au Figaro Georges Fenech, ancien président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) qui, en 2006, a pu passer les portes de ce domaine. «Les hommes portent des chignons, les femmes de longues robes et des cheveux longs. Un peu comme les Amich» en Amérique du Nord, qui vivent à l’écart de la société moderne. Cette communauté appelée «Tabitha’s Place» ou «Ordre apostolique» voire «Douze tribus» est considérée comme une secte apocalyptique depuis un rapport de 1995 de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes. «Les membres de cette communauté, très rigoriste, croient que la fin du monde approche» précise Georges Fenech, député Les Républicains du Rhône.

Les enfants maltraités

Depuis plus d’un an, «Tabitha’s Place» est sous le coup d’une information judiciaire à la suite de renseignements donnés par un ancien membre. Les enquêteurs s’intéressent aux conditions de vie de mineurs qui «sont éduqués et participent à l’activité économique de la communauté», a expliqué le procureur de la République de Pau, Jean-Christophe Muller, lors d’une conférence de presse ce mardi.

«Les mineurs, qui ne sont pas scolarisés, ne connaissent rien au monde extérieur. Ils n’ont pas de développement libre et sont sujets à des troubles de la personnalité», explique Georges Fenech qui évoque aussi des «défauts de soins». Au sein de la secte, «les punitions physiques sont réglementées et graduées» avec des coups de baguette d’osier ou de règle sur différentes parties du corps décrit la Miviludes. Pour justifier ces violences, les adeptes invoquent un verset de la Bible: «La folie est liée au cœur des enfants ; le bâton qui les châtie les en éloignera.» Au quotidien, la vie de ces enfants est très rude. Ils sont «levés à 6 heures du matin et reçoivent un enseignement toute la matinée. L’après-midi, ils travaillent avec leurs parents. Ils n’ont pas le droit de jouer, les jouets étant l’œuvre du diable», explique encore la Miviludes.

Vaste opération de police

C’est à l’issue de «vérifications longues et minutieuses», notamment sur les ramifications de la secte en Espagne et en Allemagne, qu’une vaste opération de gendarmerie a été lancée dans la nuit de lundi à mardi contre le château appartenant à la communauté. L’opération a mobilisé quelques 200 gendarmes, un hélicoptère, l’Institut de recherche criminelle et des médecins-légistes. Une opération similaire a été menée parallèlement dans le secteur de Perpignan, où des membres de cette secte travaillent également. Mardi soir, dix personnes, «hommes et femmes responsables de la communauté», étaient en garde à vue, dont neuf à Pau et une à Perpignan, a indiqué le procureur de Pau.

Plusieurs mineurs, présents dans la communauté, ont été auditionnés et examinés par des médecins. Quatre d’entre eux, frères et sœurs d’une même famille âgés de 18 mois à 13 ans, ont été placés auprès des services sociaux du conseil départemental après la découverte de «traces récentes de corrections physiques», qui font partie du «mode d’éducation» dans cette communauté, a précisé le procureur Jean-Christophe Muller. Les membres de «Tabitha’s Place», qui exploitent, à Sus, des terres agricoles et vendent des fruits et des légumes, sont également soupçonnés de travail dissimulé, de fraude aux prestations sociales, de blanchiment de fraude fiscale.

La secte déjà visée par la justice

Ce n’est pas la première fois que cette communauté est dans le viseur de la justice. Elle a déjà fait l’objet de condamnations, notamment après le décès, en avril 1997, d’un enfant de 19 mois qui avait été privé de nourriture et de soins. Ses parents avaient été condamnés en octobre 2001 à douze ans de réclusion criminelle et dix ans de privation de droits civiques et familiaux par la cour d’assises d’appel des Hautes-Pyrénées. En mars 2002, dix-neuf de ses membres avaient été condamnés par la cour d’appel de Pau pour «soustraction aux obligations légales des parents», notamment la scolarisation et la vaccination des enfants.

(Avec agences)

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